Pris la main dans l’SAQ -suite

Publié le par Bureau des Affaires Louches

(première partie)

M. Guy Potvin, l’adjoint spécial du premier ministre Bourassa à titre d’expert en communications et en logistique depuis l’hiver 1970, est un autre témoin entendu lors des audiences à huis clos de la CECO. Lors de sa déposition sous serment, il révéla que « M. Paul Desrochers lui (Potvin) a suggéré de rencontrer MM. Jean-Noël Richard et Charles Larivée en vue de former une compagnie d’importations de vins ». C’est ainsi que la compagnie Importations Polarin Limitée vit le jour le 23 juillet 1970, soit quelques mois à peine après la victoire électorale des libéraux de Bourassa.

POLARIN, c’est : PO, pour M. Potvin, LA, pour M. Larivée, et RIN, pour M. Richard. Ce dernier devint le président-fondateur de Polarin et demeura le principal actionnaire de l’entreprise jusqu’à la publication de la série d’articles dans Le Devoir. Durant son témoignage à huis clos à la CECO, M. Richard a reconnu « que le fait que cette compagnie ait été incorporée peu de temps après l’élection ne découle pas du hasard ».

La vice-présidence de Polarin était occupée par M. Charles-E. Larivée, un organisateur libéral de la région de L’Assomption et administrateur du Club Saint-Denis. Lorsque l’opposition dévoila que M. Guy Potvin fut le premier secrétaire-trésorier de Polarin jusqu’en novembre 1970, M. Bourassa dû expliquer que M. Potvin était alors directement à l’emploi de Bell Canada, qui l’avait pour ainsi dire « prêté » à l’équipe du chef libéral en vertu d’un « contrat de service » entre Bell Canada et le Conseil exécutif.

Grâce à l’influence politique de ses trois directeurs, Polarin recevait ses premières commandes seulement deux semaines après sa création. Selon le rapport secret de la CECO, la compagnie Polarin a empoché 4120$ en ristournes sur la vente de 16 000 gallons d’alcool pour avoir servi d’intermédiaire dans une transaction impliquant la RAQ et la distillerie Canadian Park and Tilford.

C’était le secrétaire particulier du ministre Garneau, M. Letarte, qui avait recommandé au directeur général adjoint de la RAQ, M. Marc-B. Boissoneault, de favoriser Polarin. En août 1970, M. Boissoneault contacta alors la Canadian Park and Tilford, qui elle, s’est dit disposée à vendre son alcool 1.65$ le gallon. Mais la RAQ insista plutôt pour payer 1.90$ le gallon, de façon à permettre à Polarin d’encaisser un bénéfice de 25 cent par gallon. [14]

En décembre 1975, un article de Michel Auger dans La Presse rapporte que Polarin sert d’intermédiaire pour 18 marques de vin et spiritueux. Contacté par M. Auger, M. Richard affirma qu’il ne voit aucun conflit d’intérêt entre sa position dans la compagnie Polarin et le poste qu’il occupe dans le cabinet de M. Garneau. « Je suis engagé par contrat avec le ministre Garneau et je fais mon travail auprès du COJO. Ce contrat se termine en décembre 1978 », affirma-t-il à La Presse.

Mais la CECO voit plutôt les choses autrement. Dans son rapport sur le Projet Z, le chapitre relativement à la firme Polarin se termine ainsi : « Les principaux actionnaires de cette agence ont des liens directs avec le parti ou pouvoir, et que : CETTE AGENCE A EU UN STATUT PRIVILÉGIÉ LORS DE LA TRANSACTION. »

Fait pour le moins intéressant, les travaux de la CECO révèlent aussi l’existence d’une facette ‘commandites’ au dossier SAQ puisque des agences de publicités dirigées par d’autres organisateurs libéraux bien en vue sont aussi impliqués. L’une d’entre elles s’appelle la Société d’importation des vins et spiritueux de France et appartient à M. Robert J. Perron, un proche ami du ministre Garneau et de l’ancien premier ministre libéral, M. Jean Lesage, et à M. Henri-A. Dutil, qui fut aussi un très proche collaborateur de M. Lesage. M. Perron sera plus tard accusé au criminel pour son rôle dans cette affaire.

Durant les audiences à huis clos, la CECO avait appris que la Société d’importation des vins et spiritueux de France avait offert une caisse de champagne à Raymond Garneau, qui était alors l’autorité suprême de la SAQ. Il avait alors été rapporté que le ministre Garneau avait accepté le présent parce qu’« il n’y avait pas de quoi fouetter un chat », selon l’article du journal Le Devoir. L’entreprise aurait également utilisé son influence auprès des hommes politiques pour décrocher de gros contrats avec des pays européens.

Outre la Société générale d’importation, M. Perron est aussi président de l’Agence Desautels Limitée. À la vice-présidence de ces deux entreprises, on retrouve M. Henri Dutil, un autre organisateur libéral notoire. Au moment où l’affaire éclate publiquement, M. Dutil avait été jusqu’à récemment directeur de la commission de propagande du Parti libéral.

M. Dutil est aussi le grand parton de l’agence de publicité Inter-Canada de Montréal qui a toujours profité des largesses gouvernementales en matière de publicité, comme le rapporte le journaliste Michel Auger dans La Presse. En effet, dans son édition du 27 mars 1976, Le Devoir rapportait que l’agence Inter-Canada avait reçu 300 000$ de contrats en publicité gouvernementale durant l’année financière 1974-75.

Dans une lettre qu’il a écrite au solliciteur général Lalonde, M. Henri Dutil, qui fut, rappelons-le, l’ancien propagandiste en chef des libéraux, exprime son inconfort avec la liberté de la presse : « Salir pour salir, voilà comment je peut qualifier cette campagne de nos séparatistes. Je comprends mal qu’on s’attaque systématiquement à des entreprises canadiennes-françaises. Les journalistes qui colportent des insinuations sans jamais rien prouver sont les complices des saloperies de ces entrepreneurs en démolition. Il serait temps que l’on exige d’eux une information objective. » [15]

Enfin, la CECO s’est aussi attardée à la firme Importations Ville-Marie, propriété de M. Jean Morissette, alors trésorier du Parti libéral du Québec et, comme nous l’avions vu précédemment, vendeur de billets pour des soupers-bénéfices au profit des libéraux. En ce qui concerne Importations Ville-Marie, il vaut la peine de souligner que lorsque les enquêteurs de la SQ ont pris l’initiative de rencontrer le propriétaire, M. Morrissette, ils furent par la suite sévèrement réprimandés. Le Devoir rapporte que M. Morissette, qui a été l’agent officiel du Parti libéral lors des élections québécoises de 1970 et de 1973, s’était alors plaint en « haut lieu » de cette visite de la police provinciale.

Lors de la période des questions du 18 décembre 1975, en plein milieu de la tempête médiatique, un député de l’opposition, Marc-André Bédard, demanda au premier ministre Bourassa s’il avait l’intention de demander au ministre des finances, M. Raymond Garneau, de démissionner, « étant donné qu’au moins deux de ses collaborateurs sont directement impliqués et encore en fonction ».

Au lieu de laisser M. Bourassa répondre, le ministre Garneau, qui était demeuré silencieux jusqu’alors, en profite pour se porter à la défense de sa propre réputation. Dans sa longue réplique, le ministre Garneau se félicita d’avoir entrepris la réforme de la Régie des Alcools qui entraîna des changements dans la politique d’achats et qui mena ultimement à la création de la Société des Alcools du Québec, en 1971.

Pourtant, lorsque Le Devoir rendra publics d’autres extraits des documents secrets de la CECO, en novembre 1976, on apprendra que la nouvelle politique d’achats de la SAQ, mise en place à partir de 1973, s’était heurtée à des « résistances farouches de tous les endroits », selon le témoignage de M. Fioramore, le directeur des achats à la SAQ.

Puis, M. Garneau reconnu qu’à l’époque de la Régie, il existait des « us et coutumes qui, sans être illégaux, me semble-t-il, pouvaient mettre en doute la transparence de l’administration » de l’ancêtre de la SAQ. Le ministre Garneau ajouta qu’il était « extrêmement déçu » et qu’il trouvait « profondément injuste » les « rumeurs » et « insinuations » qui sont diffusés dans les médias depuis quelques jours. Il conclut en disant n’avoir « rien à se reprocher ». La déclaration de M. Garneau n’est guère convaincante. Le fait qu’il prétende n’avoir rien à se reprocher n’explique pas pourquoi le gouvernement a agit comme s’il avait tant de choses à cacher.

À l’Assemblée nationale, le débat dégénère peu à peu en cris et en insultes. M. Bourassa parle du « salissage assez sauvage de la part de l’Opposition ». Le député Bédard demande au gouvernement « d’ordonner la tenue immédiate d’une enquête judiciaire publique sur l’administration de la SAQ ». Ce à quoi le premier ministre répond en mettant au défi le député Bédard de « citer un cas d’extorsion, un seul cas », ajoutant que, le cas échéant, son gouvernement n’hésiterait pas à « sévir immédiatement ».

Bien entendu, le député péquiste n’aura pas besoin de se faire prier pour livrer la marchandise. M. Bédard balance alors une série de noms de libéraux influents, soit MM. Paul Desrochers, Jean Morrissette, Robert Perron, Henri Dutil, en invoquant les liens de leurs compagnies avec la SAQ. Mais M. Bourassa préfère alors changer de sujet, en revendiquant le crédit d’avoir mis sur pied la CECO. Prétendant que son gouvernement s’attaque depuis plusieurs mois « aux véritables chefs de la pègre », le premier ministre affirme n’avoir « aucune leçon à recevoir de qui que ce soit sur la lutte au crime organisé ».

L’opposition se questionnait aussi à savoir pourquoi la SQ n’avait-elle pas terminée ses compléments d’enquête dans le dossier de la SAQ. Mais, au lieu d’avoir une réponse du gouvernement, l’opposition a pu se rabattre sur les articles de M. Michel Auger, qui, grâce à ses entrées privilégiées à la SQ, était l’un des journalistes les mieux placés pour offrir des précisions au niveau de l’enquête policière. En quatre mois, écrit M. Auger dans La Presse, la SQ a effectué une longue série de perquisitions, dont certaines ont été effectuées dans les services de comptabilité de distilleries et chez d’autres fournisseurs de la SAQ.

Puis, au début de novembre 1976, soit une semaine avant les élections provinciales qui menèrent le Parti Québécois au pouvoir, Le Devoir publia une nouvelle série d’articles dévastateurs, dont certains mettent directement en cause la conduite du ministre Garneau. Le quotidien révéla alors que M. Boissoneault avait admis lors de son témoignage sous serment à la CECO avoir pris part aux rencontres entre Polarin et Canadian Park and Tilford à l’époque où il était directeur adjoint à la SAQ.

Selon les procureurs de la CECO, M. Boissoneault « justifie son intervention à cause d’un appel téléphonique qu’il a reçu du ministre Garneau, intervention qu’il explique de la façon suivante : “Ça, ça été après avoir été nommé sous le Conseil d’administration de la Régie comme représentant du ministre Garneau… à son Conseil. M. Garneau a demandé si je pouvais faire quelque chose pour la maison Polarin. Alors sans vouloir impliquer M. Garneau là, parce que je ne voudrais pas l’impliquer (…) C’est comme ça a débuté l’affaire ».

M. Boissoneault reconnut que les administrateurs de la RAQ ne participent pas souvent aux négociations sur les prix entre les producteurs de produits alcoolisés et les intermédiaires. « J’ai tout simplement collaboré à un désir exprimé d’une manière peut-être… euh… non orthodoxe et c’est tout (…) [M. Garneau] m’a appelé et il n’a pas insisté trop trop. Il m’a demandé de faire mon possible pour aider la maison Polarin ».

Rappelons que M. Boissonneault est un des quatre hauts fonctionnaires que la CECO avait pointés du doigt dans son dossier sur la SAQ. En plus de ses fonctions de directeur adjoint à la SAQ, M. Boissoneault était également membre du conseil d’administration de la société d’État. Durant le procès de M. Giguère, l’ancien PDG de la RAQ, M. Roger Laverdure, avait déclaré dans son témoignage que si la direction de la Régie refusait certains achats, le conseil d’administration avait le pouvoir, lui, de faire passer des achats par des fournisseurs. M. Boissoneault quittera par la suite la SAQ pour aller travailler à la Régie de l’électricité et du gaz naturel.

Un autre document, celui-là classé « Très secret », révèle que le mafioso Frank Dasti avait rencontré le 22 juillet 1971 M. Paul-Émile Giguère, l’ancien secrétaire particulier du ministre Garneau avant d’être nommé directeur adjoint de la RAQ. M. Dasti s’était alors offert de « protéger » M. Giguère, qui était la cible de menaces anonymes à ce moment-là, en échange de quoi le mafioso s’attendait à obtenir certains “listings” de vins et une protection des permis des cafés Métropole et Parée.

Les enquêteurs de la CECO concluent que « Frank Dasti voulait exploiter Paul-Émile Giguère dans le but de protéger les permis des clubs dans lesquels il avait des intérêts et éventuellement se servir de P.-É. Giguère afin d’approcher Paul Desrochers. » Le rapport note que les gens du milieu interlope coupèrent les ponts avec M. Giguère après le 22 septembre 1971, après être intervenu en sa faveur auprès de la personne qu’il soupçonnait de le menacer.

Tout ce battage médiatique força M. Raymond Garneau à commenter cette affaire qui devenait de plus en plus bruyante. « Pourquoi ressortir cette vieille affaire en campagne électorale ? », prétend s’étonner M. Garneau. « Il n’y a rien de neuf là-dedans », ajouta-t-il. En fait, le ministre Garneau est même allé jusqu’à faire publiquement une certaine apologie du système de favoritisme, en soutenant qu’il était normal d’avantager un intermédiaire du Québec plutôt que celui de la Colombie-Britannique. [16]

Puis, comme s’ils s’étaient passés le mot, le premier ministre Bourassa plaida lui aussi qu’il s’agissait-là de l’histoire ancienne. « Ce sont des vieilles histoires, du vieux stock », dit-il. « On a tout répondu à cela en décembre 1975 », ajouta le chef libéral. Pourtant, si on relit le journal des débats de l’Assemblée nationale de l’époque, on constate qu’au lieu de répondre aux questions, les libéraux s’offusquaient plutôt du simple fait que l’opposition posait des questions là-dessus. [17]

À les écouter parler, on croirait qu’il s’agirait d’une affaire remontant à la préhistoire, alors qu’il s’agit de faits et gestes remontant à il y a quelques années à peine. On notera aussi que la CECO elle-même ne semble pas partager cet avis puisque les trois juges n’ont pas hésité à écrire dans leur rapport que les pots-de-vin sont des pratiques qui « ont existé et semblent encore exister » à la SAQ.

Ainsi, l’examen des contributions de onze distilleries devait révéler qu’elles avaient versé, en 1974 seulement, 170 000$ aux seuls employés des magasins de la SAQ, en « dix onces », argent liquide, cafés, gâteaux, billets de mini-loto, de hockey, de base-ball, etc. Dans La Presse, M. Michel Auger rapportait qu’une source proche de la CECO estimait à un minimum de 3 millions$ le grand total de l’argent dépensé à cet effet par les quelques vingt-cinq distilleries faisant affaire au Québec.

Le journaliste Louis-Gilles Francœur, du Devoir, rapporte aussi que « les compagnies n’oublient pas les cadres supérieurs, qui reçoivent des billets divers, des caisses de boisson à Noël, des billets d’avion avec dépenses de voyage pour eux et leurs épouses, des parts de club de golf et même des montants mensuels, dans un cas précis, pour des informations confidentielles, et ce, sur une période de dix ans. Tous ces faits sont tirés des témoignages assermentés des représentants des compagnies Melquat, Melchers, Seagrams, John De Kuyper, Corby’s, de la Société générale d’importations, de l’Agence Desautels et de la Société d’importation des spiritueux de France ».

Le témoignage de M. Fioramore contredit aussi la prétention de Garneau voulant que cette affaire appartienne au passé. Dans son témoignage qu’il a rendu en mars 1975, M. Fioramore expliqua aux juges de la CECO « qu’il reçoit encore des appels téléphoniques de la part de M. Raymond Letarte, secrétaire particulier de M. Garneau et qui lui donne des noms de compagnies à inviter à soumissionner mais M. Letarte lui dit toujours : “Tout le temps et puis ça je veux que ce soit très clair de la même façon que M. Poupart m’a toujours dit, regarde, en autant que les prix sont compétitifs, à service égal, prix égal…ce sont les phrases qu’ils ont employés très souvent ces deux messieurs-là ».

Au moment du témoignage de M. Fioramore, M. Letarte était toujours à l’emploi du ministre Garneau et M. Poupart était toujours directeur de l’administration du Parti libéral du Québec. M. Fioramore déclara également que M. Poupart et M. Paul-Émile Giguère l’appelaient régulièrement « pour faire ajouter certains noms de compagnies sur la liste des fournisseurs ». « Ils ne m’ont jamais donné de raison, mais les raisons étaient assez simples à comprendre… moi, j’ai compris dépendant qu’ils fournissaient à la caisse électorale, dépendant du montant qu’ils donnaient, du nombre de billets de soupers-bénéfices », rapporte M. Fioramore. De son côté, M. Jacques Leblond De Brumath, adjoint au vice-président de la SAQ indiqua que « en 1971 les listes de fournisseurs étaient fournies au début par Paul-Émile Giguère et ensuite, par M. Letarte ».

Mais ce n’est pas tout le monde qui a le loisir de mettre cette affaire derrière lui, comme M. Garneau essaye désespérément de le faire. En effet, au moment de la déclaration du ministre des finances, deux anciens hauts fonctionnaires de la SAQ, incluant son ancien secrétaire particulier, M. Giguère, étaient alors en attente de procès alors qu’ils devaient répondre d’accusations criminelles relativement à cette soi-disante « vieille affaire ».

En février 1976, M. Giguère était formellement accusé d’avoir accepté des pots-de-vin de M. Bernard Kogan en « considération d’une aide ou exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires avec la Régie des alcools ». On lui reproche plus spécifiquement d’avoir empoché 2435$ de la firme Associated Paper Mills et 100$ de la National Typewriter Inc., en 1970-71.

Selon le rapport de la CECO, M. Giguère est aussi impliqué dans une autre affaire de pots-de-vin en rapport à la compagnie Consumer’s Glass pour laquelle il n’a jamais été accusé. M. Pierre-André Lanctôt, le président de Consumer’s Glass, est allé voir M. Giguère pour savoir pourquoi sa compagnie n’obtenait pas autant de contrats que la Dominion Glass.

Ce à quoi a répondu M. Giguère, selon le témoin : « Votre contribution au fonds des caisses électorales ou dîners-bénéfices, qui se donnent à l’occasion, une fois par année, n’est pas tellement élevée… Lanctôt, qui s’est fait suggérer une contribution de 4% du chiffre d’affaire à la RAQ, a pu constater dans le calepin de Giguère que son concurrent « avait contribué trois ou quatre fois plus que sa propre compagnie pour la même période de temps ».

L’autre haut fonctionnaire inculpé est M. Maurice Daigneault, ex-directeur aux achats à la SAQ. La preuve accumulée par la CECO a permis d’établir que M. Daigneault avait reçu la somme de 5000$, par des paiements échelonnés sur plusieurs mois, de la part de la compagnie de distillerie John De Kuyper et Fils du Canada. La CECO a découvert que la distillerie avait versé l’argent afin d’obtenir de M. Daigneault des renseignements qui étaient confidentiels à l’époque, soit l’état de l’inventaire de ses produits dans les réserves.

Dans son article paru dans La Presse, M. Michel Auger nous apprend que M. Daigneault a engagé les services de l’avocat Me Gérard Beaudry, qui se trouve aussi à représenter le ministère de la Justice devant la Commission de contrôle des permis d’alcool du Québec.

Les procès pour corruption intentés contre les deux anciens hauts fonctionnaires de la SAQ connaîtront leur dénouement au cours du printemps et de l’été de 1977. M. Daigneault finira par plaider coupable aux accusations d’avoir accepté, en 1970, une somme de 300$ de la part M. Roland Fortin, de Thomas Adams Distillerie, un voyage de 15 jours à la Barbade, d’une valeur de 2 400$, en 1973, gracieuseté de M. Jean-Jacques Girard, des distilleries Melcher’s, et de ce même individu, deux billets d’avion pour la Jamaïque, d’une valeur de 658$, en 1975, le tout totalisant 3 358$.

Avant de prononcer sa sentence, le juge Dollard Dansereau fit le commentaire suivant : « Il est reconnu que les petits cadeaux entretiennent l’amitié et je ne crois pas que d’avoir accepté une somme de 300$ pour aller au baseball, en 1970, soit une faute bien grave, si on excepte que Daigneault ait omis d’en parler à ses supérieurs ». Le 27 mai 1977, M. Daigneault est condamné à payer une amende de 4 000$ ainsi qu’une sentence suspendue d’une journée de prison. [18]

Le 12 juillet 1977, M. Paul-Émile Giguère plaidera coupable à son tour aux accusations d’avoir accepté des pots-de-vin de plus de 3 000$. Il fut condamné par le juge Yves Mayrand à purger une peine de 45 jours d’emprisonnement en 22 week-ends et à payer une amende de 3 000$. Lorsqu’il prononça la sentence, le juge affirma qu’il voulait se montrer relativement clément étant donné l’opprobre qui avait frappé le geste de l’accusé, rapporte Le Devoir. [19]

(suivant)

Sources:

[14] Le Devoir, « Richard reste le principal actionnaire de Polarin », par Gilles Lesage, 19 décembre 1975.
[15] Le Devoir, « Le dossier Z : la SAQ et Dutil se défendent, par Gilles Lesage, 23 décembre 1975.
[16] La Presse, « Garneau dit qu’il n’a rien à se reprocher », 5 novembre 1976.
[17] Le Devoir, « La SAQ : de vieilles histoires, répond Bourassa », 5 novembre 1976.
[18] Le Devoir, « Ex-directeur de la SAQ condamné à 4,000$ d’amende », par Bernard Morrier, 28 mai 1977.
[19] Le Devoir, « 45 jours de prisons à Giguère », 13 juillet 1977.


Publié dans Raymond Garneau

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