Warren Kinsella et ses « folies de jeunesse »
Dossier Warren Kinsella -partie 2
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Clarifions les choses d’entrée de jeu. M. Kinsella n’a jamais été un punk de la rue qui s’approvisionnait en bière en dévalisant le dépanneur de son quartier. C’était un fils de bonne famille, dont le père, Douglas, fut un physicien notoire qui deviendra plus tard récipiendaire de l’Ordre du Canada. Il n’a donc manqué de rien durant sa jeunesse, surtout pas sur le plan matériel. D’ailleurs, alors qu’il était âgé de seulement 17 ans, Warren Kinsella possédait déjà sa propre compagnie de disque—Blemish Records.
À l’âge de quinze ans, M. Kinsella s’est impliqué dans un groupe appelé le Non-Conformist News Agency (NCNA) à l’époque où il fréquentait le St. Bonaventure Junior High School. Les membres du NCNA comptent quelques petits coups d’éclats à leur actif, tel que d’avoir brûler la constitution de l’institution scolaire sur l’heure du dîner ou avoir lu le Manifeste du Parti Communiste en plein cours d’anglais. C’est peut-être pour cette raison-là que le vice-recteur considérait que ce groupe n’était qu’une bande d’« agitateurs marxistes ».
En 1976, Warren Kinsella est chanteur et bassiste dans un quatuor appelé The Social Blemishes, dont le son rappelait celui du vieux The Who, The Kinks et The Rollingstones. D’où lui est venue l’idée de se lancer dans la musique ? Dans son livre « Fury’s Hour », Warren Kinsella explique qu’il soupçonnait qu’il devait y avoir une meilleure façon d’« irriter les profs et autres figures d’autorité » que de passer ses week-ends à écouter du Led Zeppelin en fumant des joints.
Au début de 1977, lorsque M. Kinsella découvre le punk rock après s’être procuré le premier album du groupe The Ramones, il est aussitôt conquis. « Plus rien ne sera pareil après ça », écrit M. Kinsella. C’est, en effet, à la suite de cette révélation que les membres de The Social Blemishes se convertisse au punk et rebaptisent leur nom groupe, The Hot Nasties. M. Kinsella devient alors un des principaux compositeurs du groupe.
L’un des moments forts du groupe fut lorsque The Hot Nasties offrit une performance lors de la foire annuelle du Calgary Stampede, le 13 juillet 1980. Les organisateurs deviendront rapidement dépassés par les événements lorsque Kinsella invita les punks présents dans l’assistance à venir danser sur la scène. Les punks énervés seront ensuite rejoints par une douzaine d’agents de police, qui menaceront d’arrestation pour « incitation à l’émeute » celui qui deviendra l’adjoint spécial du premier ministre Jean Chrétien.
À première vue, cette perspective apparu attrayante au chanteur des Hot Nasties (« Getting arrested for inciting a riot was pretty fucking cool », écrit M. Kinsella). Mais, en bout de ligne, M. Kinsella décida de ne pas pousser à bout les policiers qui devenaient de plus en plus impatients et intimidants. Les choses se calmèrent après qu’il demanda lui-même aux punks de libérer la scène.
« Ce que nous voulions faire comprendre, c’est que le punk n’avait rien à voir avec le fait d’être confortable, auto-satisfait ou divertissant », lit-on encore dans « Fury’s Hour ». « C’était à propos de jeunes gens en colère qui brassent la cage, qui s’amusent un peu, et changent peut-être quelques comportements (et redressent quelques injustices)en cours de route ».
C’est à travers la scène punk que Warren Kinsella développa de l’intérêt pour la politique. « La scène punk de Calgary est devenue politisée en un cours lapse de temps… et ça m’a politisé », dit-il.
M. Kinsella dit avoir été conscientisé au problème du racisme lors de venue d’un groupe britannique appelé 999. « Il y avait trois gars qui faisaient des salut nazis, l’un d’eux qui portait un t-shirt qui disait ‘Drown the Boat People’ (‘Noyons les réfugiés de la mer’) et j’étais stupéfait », se rappelle Kinsella. « C’était vraiment un événement qui cristallisa la scène punk de Calgary parce que c’était la première fois que le racisme commençait à lever sa tête. » (5)
Dans une entrevue récente avec le magazine Maclean’s, M. Kinsella expliquait qu’il s’était joint au Parti libéral de l’Alberta en réaction à la montée du séparatisme dans l’Ouest canadien qui s’était développé dans la foulée du controversé Programme National de l’Énergie (NEP) initié par les libéraux de Pierre-Élliott Trudeau. De nombreux habitants de l’Ouest canadien estimaient alors qu’Ottawa cherchait à faire main basse sur leurs ressources pétrolières pour en faire en profiter les provinces de l’Est du pays. Ce qui inquiétait le plus M. Kinsella dans toute cette histoire, c’était la présence d’éléments issus de l’extrême droite à l’intérieur de cette mouvance séparatiste. (6)
S’inspirant des concerts punks « Rock Against Racism » au Royaume Uni, Warren Kinsella organisa donc un événement intitulé « Rock Against Western Separatism ». Cette prise de conscience du phénomène raciste culminera plus tard dans la publication de « Web of Hate ».
Entre-temps, M. Kinsella quitta la scène punk en 1984, après avoir perdu une bagarre dans un bar de Calgary au cours de laquelle il hérita d’une cicatrice qui est encore visible aujourd’hui sur sa lèvre supérieure. Il continua cependant de jouer de la musique au sein de différentes formations.
The Hot Nasties ne deviendra jamais un très gros nom de la scène underground canadienne. Mais ils ont suffisamment marqué leur époque pour qu’un amateur montréalais de musique punk se rappelle d’eux une décennie plus tard, et décide d’inclure trois chansons que les Hot Nasties avaient enregistrées sur un single en 1980 sur la compilation appelée « Smash the State Vol.1 » (ouais, tu parles…), apparue en 1994.
Le parcours particulier d’un stratège libéral
Sources :
(5) North Shore News, « Political power chords », by Robert Galster, May 19 1997.
(6) Maclean’s, Q&A with Warren Kinsella, by Ken McQueen, August 30, 2005.
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Clarifions les choses d’entrée de jeu. M. Kinsella n’a jamais été un punk de la rue qui s’approvisionnait en bière en dévalisant le dépanneur de son quartier. C’était un fils de bonne famille, dont le père, Douglas, fut un physicien notoire qui deviendra plus tard récipiendaire de l’Ordre du Canada. Il n’a donc manqué de rien durant sa jeunesse, surtout pas sur le plan matériel. D’ailleurs, alors qu’il était âgé de seulement 17 ans, Warren Kinsella possédait déjà sa propre compagnie de disque—Blemish Records.
À l’âge de quinze ans, M. Kinsella s’est impliqué dans un groupe appelé le Non-Conformist News Agency (NCNA) à l’époque où il fréquentait le St. Bonaventure Junior High School. Les membres du NCNA comptent quelques petits coups d’éclats à leur actif, tel que d’avoir brûler la constitution de l’institution scolaire sur l’heure du dîner ou avoir lu le Manifeste du Parti Communiste en plein cours d’anglais. C’est peut-être pour cette raison-là que le vice-recteur considérait que ce groupe n’était qu’une bande d’« agitateurs marxistes ».
En 1976, Warren Kinsella est chanteur et bassiste dans un quatuor appelé The Social Blemishes, dont le son rappelait celui du vieux The Who, The Kinks et The Rollingstones. D’où lui est venue l’idée de se lancer dans la musique ? Dans son livre « Fury’s Hour », Warren Kinsella explique qu’il soupçonnait qu’il devait y avoir une meilleure façon d’« irriter les profs et autres figures d’autorité » que de passer ses week-ends à écouter du Led Zeppelin en fumant des joints.
Au début de 1977, lorsque M. Kinsella découvre le punk rock après s’être procuré le premier album du groupe The Ramones, il est aussitôt conquis. « Plus rien ne sera pareil après ça », écrit M. Kinsella. C’est, en effet, à la suite de cette révélation que les membres de The Social Blemishes se convertisse au punk et rebaptisent leur nom groupe, The Hot Nasties. M. Kinsella devient alors un des principaux compositeurs du groupe.
L’un des moments forts du groupe fut lorsque The Hot Nasties offrit une performance lors de la foire annuelle du Calgary Stampede, le 13 juillet 1980. Les organisateurs deviendront rapidement dépassés par les événements lorsque Kinsella invita les punks présents dans l’assistance à venir danser sur la scène. Les punks énervés seront ensuite rejoints par une douzaine d’agents de police, qui menaceront d’arrestation pour « incitation à l’émeute » celui qui deviendra l’adjoint spécial du premier ministre Jean Chrétien.
À première vue, cette perspective apparu attrayante au chanteur des Hot Nasties (« Getting arrested for inciting a riot was pretty fucking cool », écrit M. Kinsella). Mais, en bout de ligne, M. Kinsella décida de ne pas pousser à bout les policiers qui devenaient de plus en plus impatients et intimidants. Les choses se calmèrent après qu’il demanda lui-même aux punks de libérer la scène.
« Ce que nous voulions faire comprendre, c’est que le punk n’avait rien à voir avec le fait d’être confortable, auto-satisfait ou divertissant », lit-on encore dans « Fury’s Hour ». « C’était à propos de jeunes gens en colère qui brassent la cage, qui s’amusent un peu, et changent peut-être quelques comportements (et redressent quelques injustices)en cours de route ».
C’est à travers la scène punk que Warren Kinsella développa de l’intérêt pour la politique. « La scène punk de Calgary est devenue politisée en un cours lapse de temps… et ça m’a politisé », dit-il.
M. Kinsella dit avoir été conscientisé au problème du racisme lors de venue d’un groupe britannique appelé 999. « Il y avait trois gars qui faisaient des salut nazis, l’un d’eux qui portait un t-shirt qui disait ‘Drown the Boat People’ (‘Noyons les réfugiés de la mer’) et j’étais stupéfait », se rappelle Kinsella. « C’était vraiment un événement qui cristallisa la scène punk de Calgary parce que c’était la première fois que le racisme commençait à lever sa tête. » (5)
Dans une entrevue récente avec le magazine Maclean’s, M. Kinsella expliquait qu’il s’était joint au Parti libéral de l’Alberta en réaction à la montée du séparatisme dans l’Ouest canadien qui s’était développé dans la foulée du controversé Programme National de l’Énergie (NEP) initié par les libéraux de Pierre-Élliott Trudeau. De nombreux habitants de l’Ouest canadien estimaient alors qu’Ottawa cherchait à faire main basse sur leurs ressources pétrolières pour en faire en profiter les provinces de l’Est du pays. Ce qui inquiétait le plus M. Kinsella dans toute cette histoire, c’était la présence d’éléments issus de l’extrême droite à l’intérieur de cette mouvance séparatiste. (6)
S’inspirant des concerts punks « Rock Against Racism » au Royaume Uni, Warren Kinsella organisa donc un événement intitulé « Rock Against Western Separatism ». Cette prise de conscience du phénomène raciste culminera plus tard dans la publication de « Web of Hate ».
Entre-temps, M. Kinsella quitta la scène punk en 1984, après avoir perdu une bagarre dans un bar de Calgary au cours de laquelle il hérita d’une cicatrice qui est encore visible aujourd’hui sur sa lèvre supérieure. Il continua cependant de jouer de la musique au sein de différentes formations.
The Hot Nasties ne deviendra jamais un très gros nom de la scène underground canadienne. Mais ils ont suffisamment marqué leur époque pour qu’un amateur montréalais de musique punk se rappelle d’eux une décennie plus tard, et décide d’inclure trois chansons que les Hot Nasties avaient enregistrées sur un single en 1980 sur la compilation appelée « Smash the State Vol.1 » (ouais, tu parles…), apparue en 1994.
Le parcours particulier d’un stratège libéral
Sources :
(5) North Shore News, « Political power chords », by Robert Galster, May 19 1997.
(6) Maclean’s, Q&A with Warren Kinsella, by Ken McQueen, August 30, 2005.