Le parcours particulier dun stratège libéral
Dossier Warren Kinsella -partie 3
(précédent)
Avant de plonger dans la politique politicienne, Warren Kinsella fit quelques incursions dans le monde des médias. Ses premiers pas dans le journalisme, il les doit d’ailleurs à l’industrie de la musique. À l’époque, M. Kinsella avait écrit une lettre de protestation à un magazine de musique pour se plaindre de la représentation erronée qui avait été faite de la contre-culture punk dans ces pages. L’éditeur réagissa à cette critique en recrutant le lecteur mécontent pour en faire un de ses scribes. (7)
Diplômé de l’École de journalisme de l’Université de Carleton, en 1984, puis diplômé de la faculté de droit de l’Université de Calgary, en 1987, M. Kinsella fut admis au Barreau comme avocat spécialisé en droit des médias, en 1989. Entre-temps, il fut reporter pour le journal The Calgary Herald. Puis, il suit un stage chez Gowling Henderson avant de poursuivre sa pratique du droit au cabinet d’avocats Perley-Robertson d’Ottawa.
M. Kinsella, qui prétend aujourd’hui que son immersion antérieure dans la scène punk y était pour quelque chose dans son engagement en politique, a décidé de « travailler bénévolement » pour Jean Chrétien lors de la course à la chefferie du Parti libéral du Canada de 1990.
Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à première vue, M. Chrétien qui, à l’époque, comptait déjà vingt années de parlementarisme, n’était pas un politicien qui présentait des affinités évidentes avec la contre-culture punk. Au contraire, il incarnait davantage « un vieux de la vielle » de la politique libérale plutôt qu’un candidat innovateur susceptible de séduire les jeunes idéalistes affamés de changement.
Pourquoi et comment Warren Kinsella en est-il arrivé là ?
Lors de son témoignage devant la commission Gomery, voici comment il expliquait sa décision de se joindre à l’équipe de M. Jean Chrétien, qui pratique alors le droit chez Lang Michener : « C’était à l’époque du débat sur le lac Meech et j’étais opposé à l’Accord du lac Meech et j’étais à la recherche d’un politicien pour représenter mon point de vue, et il était dans l’immeuble voisin. »(8)
Combattre l’Accord du lac Meech ? Voilà qui revenait, en fait, à défendre le statu quo constitutionnel. On pourrait chercher longtemps, très longtemps même, avant de trouver ce qu’il y avait de « punk » là-dedans.
C’est aussi à l’époque de la course à la chefferie de 1990 que M. Kinsella deviendra un « adversaire permanent » de M. Paul Martin Jr, principal rival de M. Chrétien et supporter de l’Accord du lac Meech aujourd’hui premier ministre. Une fois que M. Chrétien remporta la chefferie, cette rivalité laissa place à de profondes blessures politiques entre les deux camps, blessures qui n’ont jamais entièrement cicatrisées. Mais les deux hommes politiques ne se faisaient pas la guerre ouvertement pour autant. C’était plutôt leurs stratèges respectifs qui s’occupaient de ça. On parle notamment de M. David Herle, pour le camp Martin, et évidemment de M. Kinsella pour le camp Chrétien.
Quelques mois plus tard, M. Kinsella est engagé à titre d’adjoint spécial au cabinet de M. Chrétien, alors chef de l’opposition officielle, à Ottawa. De 1990 à 1993, il écrit les discours de M. Chrétien et fourni des munitions aux membres du caucus libéral en vue de la période des questions. C’est à cette époque qu’il se lie avec le tristement célèbre David Dingwall, alors leader parlementaire de l’opposition libérale à la Chambre des communes.
Puis, après la victoire des libéraux de Chrétien aux élections d’octobre 1993, M. Kinsella est promu chef de cabinet de M. Dingwall, devenu ministre aux Travaux publics, poste qu’il occupe jusqu’en janvier 1996. (Son passage au ministère des Travaux publics reviendra le hanter lors des audiences de la commission Gomery. Après tout, il s’agit-là du ministère responsable du scandaleux programme des commandites. Nous y reviendrons...)
Après son départ de Travaux publics, M. Kinsella devient conseiller juridique au sein de l’agence de publicité Palmer Jarvis, basée à Vancouver. Puis, lors des élections générales de juin 1997, il se présente dans le comté de Vancouver Nord, où il affronta le député sortant, M. Ted White, du défunt Parti Réformiste. M. Kinsella, qui habitait alors Vancouver depuis moins de deux ans, fut perçu comme un « outsider » parachuté par la grosse machine libérale tandis que son adversaire, le député White, jouissait d’une certaine notoriété auprès de son électorat.
La campagne dégénéra rapidement en attaques personnelles lorsque M. Kinsella révéla qu’en 1983, M. White s’était porté candidat dans Vancouver Nord pour l’ancien parti Western Canada Concept (WCC), qui prônait la séparation de quatre provinces de l’Ouest (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba) et des Territoires du grand nord canadien. La section du WCC en Colombie-Britannique était alors dirigée par l’avocat Doug Christie, dont la clientèle comptera plus tard la plupart des gros noms associés aux milieux néo-nazis et à l’antisémitisme canadien. (9)
À l’issue des élections, M. White reçut 48% des suffrages, soit 8000 votes de plus que le candidat Kinsella, qui finit en deuxième position avec 34% du vote. Deux jours après sa défaite, M. Kinsella mis à vendre sa maison de Vancouver. (10)
En novembre de la même année, M. Kinsella se joint au cabinet d’avocats torontois McMillan Binch, où il œuvre jusqu’en 2002. Entre-temps, M. Kinsella reprend du service pour Jean Chrétien à l’occasion des élections générales de novembre 2000, où il travailla au quartier général électoral du PLC, communément appelé le « war room ». Puis, en 2002, Warren Kinsella se retrouve à la firme Navigator Ltd, de Toronto, qui œuvre dans le domaine de la publicité, des sondages et du lobbying.
En 2001-2002, il appuie la candidature passagère du ministre Allan Rock dans la course non-officielle à la succession de Chrétien. Mais, en 2003, lorsque le clan Martin parvient à chasser M. Chrétien du pouvoir, M. Kinsella change soudainement d’allégeance. « Le vrai Parti libéral, celui qui croyait dans l’unité et la loyauté envers son chef, a cessé d’exister depuis que M. Martin a commencé son coup contre M. Chrétien », écrivait M. Kinsella dans un récent courriel adressé au Hill Times. (11)
Autrement dit, Warren Kinsella était davantage un Chrétienniste convaincu qu’un authentique libéral. D’ailleurs, lors des élections de juin 2004, M. Kinsella fit savoir qu’il accorda son vote au chef conservateur, M. Stephen Harper, et non pas pour le Parti libéral désormais dirigé par Paul Martin Jr. (12)
Même si le départ de M. Chrétien signifie la perte de son influence dans les corridors du pouvoir d’Ottawa, M. Kinsella ne perd pas de temps à se repositionner sur l’échiquier politique canadien. Ainsi, l’automne 2003 fut passablement occupé pour M. Kinsella. On le retrouve d’abord en train de jouer le stratège pour les libéraux de Dalton McGuinty lors des élections ontariennes d’octobre 2003, qui chassèrent les conservateurs qui étaient au pouvoir dans cette province depuis 1995.
Puis, lors des élections municipales de novembre 2003, M. Kinsella devient le stratège de M. John Tory, candidat à la mairie de Toronto et conservateur notoire identifié à l’« aile gauche » du parti. Auparavant, M. Tory avait notamment été directeur de campagne pour l’ex-premier ministre Brian Mulroney, en 1988, et pour sa successeur, Mme Kim Campbell, en 1993. À cette occasion, M. Tory avait d’ailleurs été critiqué pour avoir approuvé des annonces publicitaires électorales qui se moquaient des difformités faciales du chef libéral, Jean Chrétien. (M. Kinsella, l’éternel défenseur de M. Chrétien, avait sans doute décidé de passer l’éponge…)
Toujours est-il que M. Tory ne parvint pas à se faire élire maire de Toronto et arriva en deuxième position derrière M. David Miller. Quelques mois plus tard, lorsque M. Tory remportait la course à la chefferie du Parti conservateur de l’Ontario, en septembre 2004, il devint le principal adversaire des libéraux de McGuinty et, conséquemment, son ancien stratège Warren Kinsella se retourna contre lui.
Dans un effort destiné à ridiculiser M. Tory, M. Kinsella fit circuler des cuillères en argent sur lesquelles était gravée l’inscription « John Tory IV », ainsi que des macarons associant le politicien conservateur à un personnage d’un vieux comic book, « Richie Rich », qui, comme son nom l’indique, incarnait un fils de famille riche. (13)
Le but : dépeindre de façon caricaturale John Tory comme un membre de l’élite bourgeoise. Du Warren Kinsella tout craché. « C’est amusant, c’est juste un gentil crochet », s’est défendu l’ancien punk de Calgary.
John Tory, qui fut PDG de l’empire Rogers Media Inc. de 1995 à 1999, savait qu’il y avait du vrai dans cette caricature et ne l’a pas pris trop personnel. « Je me dis à moi-même, voici mon vieil ami, Warren Kinsella, qui fait ses vieux tours », déclara-t-il aux journalistes du Toronto Star. « C’est un type intelligent et je l’aime beaucoup pour ça. C’est correct », conclua M. Tory. (C’est vrai, après tout, ne dit-on pas que l’on taquine ceux que l’on aime ?) (14)
Cette caricature a aussi le mérite de révéler quelque chose au sujet de Warren Kinsella lui-même. Car, si M. Tory était un « Richie Rich » en septembre 2004, il devait forcément déjà en être un en novembre 2003, lorsque M. Kinsella tenta en vain de l’installer à la tête de la mégacité de Toronto. De toute évidence, le statut de parvenu de M. Tory n’a jamais sérieusement indisposé M. Kinsella.
En fait, M. Kinsella est si peu allergique envers les politiciens conservateurs qui ont fait fortune dans le monde des affaires que sa firme de consultant, Navigator Ltd, appuya la candidature de Mme Belinda Stronach, lors de la récente course à la chefferie du Parti conservateur issue de la fusion entre l’Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur.
Warren Kinsella et le programme des commandites
Sources :
(7) Globe and Mail, « Political punk », by Jen Gerson, August 20, 2005.
(8) Transcription de la Commission Gomery, journée du 21 janvier 2005, p.10626.
(9) North Shore News, “Pols joust in North Van”, by Andrew McCredie, May 12 1997.
(10) North Shore News, « Newsmakers of 1997 », by Andrew McCredie, December 29 1997.
(11) The Hill Times, “Libs worried Gomery’s ‘exoneration’ of PM didn’t help : polls”, by F. Abbas Rana, Kate Malloy and Mike De Souza, November 7, 2005.
(12) La Presse, « Déception!—Il devait être tout ce que Chrétien n'était pas... », par Joël-Denis Bellavance, 12 décembre 2004.
(13) The Globe and Mail, “Ontario Grits tag Tory ‘Richie Rich'”, by Richard Mackie, September 21, 2004.
(14) Toronto Star, “Tory sets path for 'different' party”, by Robert Benzie and Rob Ferguson, September 20, 2004.
(précédent)
Avant de plonger dans la politique politicienne, Warren Kinsella fit quelques incursions dans le monde des médias. Ses premiers pas dans le journalisme, il les doit d’ailleurs à l’industrie de la musique. À l’époque, M. Kinsella avait écrit une lettre de protestation à un magazine de musique pour se plaindre de la représentation erronée qui avait été faite de la contre-culture punk dans ces pages. L’éditeur réagissa à cette critique en recrutant le lecteur mécontent pour en faire un de ses scribes. (7)
Diplômé de l’École de journalisme de l’Université de Carleton, en 1984, puis diplômé de la faculté de droit de l’Université de Calgary, en 1987, M. Kinsella fut admis au Barreau comme avocat spécialisé en droit des médias, en 1989. Entre-temps, il fut reporter pour le journal The Calgary Herald. Puis, il suit un stage chez Gowling Henderson avant de poursuivre sa pratique du droit au cabinet d’avocats Perley-Robertson d’Ottawa.
M. Kinsella, qui prétend aujourd’hui que son immersion antérieure dans la scène punk y était pour quelque chose dans son engagement en politique, a décidé de « travailler bénévolement » pour Jean Chrétien lors de la course à la chefferie du Parti libéral du Canada de 1990.
Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à première vue, M. Chrétien qui, à l’époque, comptait déjà vingt années de parlementarisme, n’était pas un politicien qui présentait des affinités évidentes avec la contre-culture punk. Au contraire, il incarnait davantage « un vieux de la vielle » de la politique libérale plutôt qu’un candidat innovateur susceptible de séduire les jeunes idéalistes affamés de changement.
Pourquoi et comment Warren Kinsella en est-il arrivé là ?
Lors de son témoignage devant la commission Gomery, voici comment il expliquait sa décision de se joindre à l’équipe de M. Jean Chrétien, qui pratique alors le droit chez Lang Michener : « C’était à l’époque du débat sur le lac Meech et j’étais opposé à l’Accord du lac Meech et j’étais à la recherche d’un politicien pour représenter mon point de vue, et il était dans l’immeuble voisin. »(8)
Combattre l’Accord du lac Meech ? Voilà qui revenait, en fait, à défendre le statu quo constitutionnel. On pourrait chercher longtemps, très longtemps même, avant de trouver ce qu’il y avait de « punk » là-dedans.
C’est aussi à l’époque de la course à la chefferie de 1990 que M. Kinsella deviendra un « adversaire permanent » de M. Paul Martin Jr, principal rival de M. Chrétien et supporter de l’Accord du lac Meech aujourd’hui premier ministre. Une fois que M. Chrétien remporta la chefferie, cette rivalité laissa place à de profondes blessures politiques entre les deux camps, blessures qui n’ont jamais entièrement cicatrisées. Mais les deux hommes politiques ne se faisaient pas la guerre ouvertement pour autant. C’était plutôt leurs stratèges respectifs qui s’occupaient de ça. On parle notamment de M. David Herle, pour le camp Martin, et évidemment de M. Kinsella pour le camp Chrétien.
Quelques mois plus tard, M. Kinsella est engagé à titre d’adjoint spécial au cabinet de M. Chrétien, alors chef de l’opposition officielle, à Ottawa. De 1990 à 1993, il écrit les discours de M. Chrétien et fourni des munitions aux membres du caucus libéral en vue de la période des questions. C’est à cette époque qu’il se lie avec le tristement célèbre David Dingwall, alors leader parlementaire de l’opposition libérale à la Chambre des communes.
Puis, après la victoire des libéraux de Chrétien aux élections d’octobre 1993, M. Kinsella est promu chef de cabinet de M. Dingwall, devenu ministre aux Travaux publics, poste qu’il occupe jusqu’en janvier 1996. (Son passage au ministère des Travaux publics reviendra le hanter lors des audiences de la commission Gomery. Après tout, il s’agit-là du ministère responsable du scandaleux programme des commandites. Nous y reviendrons...)
Après son départ de Travaux publics, M. Kinsella devient conseiller juridique au sein de l’agence de publicité Palmer Jarvis, basée à Vancouver. Puis, lors des élections générales de juin 1997, il se présente dans le comté de Vancouver Nord, où il affronta le député sortant, M. Ted White, du défunt Parti Réformiste. M. Kinsella, qui habitait alors Vancouver depuis moins de deux ans, fut perçu comme un « outsider » parachuté par la grosse machine libérale tandis que son adversaire, le député White, jouissait d’une certaine notoriété auprès de son électorat.
La campagne dégénéra rapidement en attaques personnelles lorsque M. Kinsella révéla qu’en 1983, M. White s’était porté candidat dans Vancouver Nord pour l’ancien parti Western Canada Concept (WCC), qui prônait la séparation de quatre provinces de l’Ouest (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba) et des Territoires du grand nord canadien. La section du WCC en Colombie-Britannique était alors dirigée par l’avocat Doug Christie, dont la clientèle comptera plus tard la plupart des gros noms associés aux milieux néo-nazis et à l’antisémitisme canadien. (9)
À l’issue des élections, M. White reçut 48% des suffrages, soit 8000 votes de plus que le candidat Kinsella, qui finit en deuxième position avec 34% du vote. Deux jours après sa défaite, M. Kinsella mis à vendre sa maison de Vancouver. (10)
En novembre de la même année, M. Kinsella se joint au cabinet d’avocats torontois McMillan Binch, où il œuvre jusqu’en 2002. Entre-temps, M. Kinsella reprend du service pour Jean Chrétien à l’occasion des élections générales de novembre 2000, où il travailla au quartier général électoral du PLC, communément appelé le « war room ». Puis, en 2002, Warren Kinsella se retrouve à la firme Navigator Ltd, de Toronto, qui œuvre dans le domaine de la publicité, des sondages et du lobbying.
En 2001-2002, il appuie la candidature passagère du ministre Allan Rock dans la course non-officielle à la succession de Chrétien. Mais, en 2003, lorsque le clan Martin parvient à chasser M. Chrétien du pouvoir, M. Kinsella change soudainement d’allégeance. « Le vrai Parti libéral, celui qui croyait dans l’unité et la loyauté envers son chef, a cessé d’exister depuis que M. Martin a commencé son coup contre M. Chrétien », écrivait M. Kinsella dans un récent courriel adressé au Hill Times. (11)
Autrement dit, Warren Kinsella était davantage un Chrétienniste convaincu qu’un authentique libéral. D’ailleurs, lors des élections de juin 2004, M. Kinsella fit savoir qu’il accorda son vote au chef conservateur, M. Stephen Harper, et non pas pour le Parti libéral désormais dirigé par Paul Martin Jr. (12)
Même si le départ de M. Chrétien signifie la perte de son influence dans les corridors du pouvoir d’Ottawa, M. Kinsella ne perd pas de temps à se repositionner sur l’échiquier politique canadien. Ainsi, l’automne 2003 fut passablement occupé pour M. Kinsella. On le retrouve d’abord en train de jouer le stratège pour les libéraux de Dalton McGuinty lors des élections ontariennes d’octobre 2003, qui chassèrent les conservateurs qui étaient au pouvoir dans cette province depuis 1995.
Puis, lors des élections municipales de novembre 2003, M. Kinsella devient le stratège de M. John Tory, candidat à la mairie de Toronto et conservateur notoire identifié à l’« aile gauche » du parti. Auparavant, M. Tory avait notamment été directeur de campagne pour l’ex-premier ministre Brian Mulroney, en 1988, et pour sa successeur, Mme Kim Campbell, en 1993. À cette occasion, M. Tory avait d’ailleurs été critiqué pour avoir approuvé des annonces publicitaires électorales qui se moquaient des difformités faciales du chef libéral, Jean Chrétien. (M. Kinsella, l’éternel défenseur de M. Chrétien, avait sans doute décidé de passer l’éponge…)
Toujours est-il que M. Tory ne parvint pas à se faire élire maire de Toronto et arriva en deuxième position derrière M. David Miller. Quelques mois plus tard, lorsque M. Tory remportait la course à la chefferie du Parti conservateur de l’Ontario, en septembre 2004, il devint le principal adversaire des libéraux de McGuinty et, conséquemment, son ancien stratège Warren Kinsella se retourna contre lui.
Dans un effort destiné à ridiculiser M. Tory, M. Kinsella fit circuler des cuillères en argent sur lesquelles était gravée l’inscription « John Tory IV », ainsi que des macarons associant le politicien conservateur à un personnage d’un vieux comic book, « Richie Rich », qui, comme son nom l’indique, incarnait un fils de famille riche. (13)
Le but : dépeindre de façon caricaturale John Tory comme un membre de l’élite bourgeoise. Du Warren Kinsella tout craché. « C’est amusant, c’est juste un gentil crochet », s’est défendu l’ancien punk de Calgary.
John Tory, qui fut PDG de l’empire Rogers Media Inc. de 1995 à 1999, savait qu’il y avait du vrai dans cette caricature et ne l’a pas pris trop personnel. « Je me dis à moi-même, voici mon vieil ami, Warren Kinsella, qui fait ses vieux tours », déclara-t-il aux journalistes du Toronto Star. « C’est un type intelligent et je l’aime beaucoup pour ça. C’est correct », conclua M. Tory. (C’est vrai, après tout, ne dit-on pas que l’on taquine ceux que l’on aime ?) (14)
Cette caricature a aussi le mérite de révéler quelque chose au sujet de Warren Kinsella lui-même. Car, si M. Tory était un « Richie Rich » en septembre 2004, il devait forcément déjà en être un en novembre 2003, lorsque M. Kinsella tenta en vain de l’installer à la tête de la mégacité de Toronto. De toute évidence, le statut de parvenu de M. Tory n’a jamais sérieusement indisposé M. Kinsella.
En fait, M. Kinsella est si peu allergique envers les politiciens conservateurs qui ont fait fortune dans le monde des affaires que sa firme de consultant, Navigator Ltd, appuya la candidature de Mme Belinda Stronach, lors de la récente course à la chefferie du Parti conservateur issue de la fusion entre l’Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur.
Warren Kinsella et le programme des commandites
Sources :
(7) Globe and Mail, « Political punk », by Jen Gerson, August 20, 2005.
(8) Transcription de la Commission Gomery, journée du 21 janvier 2005, p.10626.
(9) North Shore News, “Pols joust in North Van”, by Andrew McCredie, May 12 1997.
(10) North Shore News, « Newsmakers of 1997 », by Andrew McCredie, December 29 1997.
(11) The Hill Times, “Libs worried Gomery’s ‘exoneration’ of PM didn’t help : polls”, by F. Abbas Rana, Kate Malloy and Mike De Souza, November 7, 2005.
(12) La Presse, « Déception!—Il devait être tout ce que Chrétien n'était pas... », par Joël-Denis Bellavance, 12 décembre 2004.
(13) The Globe and Mail, “Ontario Grits tag Tory ‘Richie Rich'”, by Richard Mackie, September 21, 2004.
(14) Toronto Star, “Tory sets path for 'different' party”, by Robert Benzie and Rob Ferguson, September 20, 2004.