Qui se fermait les yeux pendant quAndré Boisclair se remplissait les narines ?
Affaire Boisclair -partie 2
(précédent)
Boisclair, coké ?
La rumeur circulait dans les milieux politiques et médiatiques. Et ce, depuis un bon petit bout de temps, paraît-il. Le public est, semble-t-il, le dernier à en avoir été informé…
Pas étonnant que, lorsque la rumeur est devenue affaire publique, M. Boisclair ne savait même plus où donner de la tête pour essayer de pointer du doigt les mauvaises langues qui seraient à l’origine de la fuite.
Il y avait tellement de personnes qui étaient au courant et qui auraient donc pu être à l’origine de la fuite, que M. Boisclair se mit à tirer dans toutes les directions lorsque les médias essayèrent de l’interroger. Il laissa ainsi entendre que le bureau du Premier ministre Jean Charest et des concurrents dans la course au leadership « soucieux de leur situation dans les sondages » étaient derrière les fuites concernant ses « frasques de jeunesse ».
Différentes sources confirment aujourd’hui qu’il s’agissait-là d’un secret de polichinelle.
Il y a le député péquiste François Gendron qui affirma sans détour : « La plupart des collègues étaient au courant qu’il y avait des rumeurs à cet effet. J’étais au courant des rumeurs. Cela a circulé pendant longtemps ». (5) Le chroniqueur Vincent Marissal de La Presse fait le même constat lorsqu’il écrit : « Les rumeurs sur la vie olé olé de M. Boisclair courent depuis des années et ce n’était qu’une question de temps avant que la question ne surgisse ». (6)
Pourtant, au Parti Québécois plusieurs personnalités nièrent en cœur avoir été au courant que M. Boisclair avait fait l’objet de telles rumeurs. C’est ce qu’a prétendu M. Rosaire Bertrand, ancien ministre délégué et aujourd’hui un des principaux organisateurs de la campagne de M. Boisclair. Mme Louise Harel a affirmé quant à elle avoir appris ça « en même temps que tout le monde », alors que Mme Pauline Marois affirmait qu’elle n’en avait « jamais eu connaissance ».
Le journaliste Yves Chartrand, du Journal de Montréal, n’y vit toutefois que de la poudre aux yeux. Dans son article, paru le 24 septembre, M. Chartrand est allé jusqu’à écrire que les « trous de mémoire » des anciens ministres péquistes étaient « dignes de la commission Gomery » ! «Après les Lafleur, Corriveau et cie, c’est maintenant au tour des anciens ministres péquistes de voir leur mémoire défaillir au point de ne plus se souvenir des rumeurs persistantes qui circulaient à l’époque sur la consommation de cocaïne par leur collègue André Boisclair.» , écrit M. Chartrand. (7)
Pour lui, il ne semble exister aucun doute que les ténors du PQ ne disent pas la vérité, voire qu’ils mentent. On conviendra qu’il ne semble pas être dans les habitudes des journalistes des grands médias de lancer de telles accusations à la légère, contre de tels poids lourds de la politique québécoise. Mais comment M. Chartrand peut-il être si convaincu que les Harel et compagnie parlent au travers de leur chapeau, sans avoir été lui-même dans le « secret des Dieux » ?
Et il n’était sûrement pas le seul. M. Jim Duff, chroniqueur à l’hebdomadaire anglophone montréalais The Suburban, soutient que les politiciens péquistes adorent partager leurs petits secrets avec les médias. Selon M. Duff, ceux-ci n’auraient aucune hésitation à laver leur linge sale en compagnie des journalistes en raison d’un « Mur de Berlin » qui s’érige entre la vie publique et la vie privée des politiciens. Autrement dit, ce qui est partagé entre politiciens et journalistes reste entre politiciens et journalistes.
Et de l’avis de M. Duff, s’il fallait que ce « Mur de Berlin » soit abattu, il pourrait y en avoir long à dire. [TRADUCTION] « Quiconque a couvert la politique québécoise suffisamment longtemps pourrait écrire un scénario sordide de télé-réalité rempli de faillites, de mariages effondrés, d’infidélités, d’usage de drogue, d’abus d’alcool, de pédophilie et d’autres comportements à haut risque » , écrit-il. (8)
Voilà autant de potins juteux dont le grand public ne risque pas d’entendre parler. Faut-il y voir là une autre preuve de la connivence qui existe entre les milieux politiques et médiatiques ? Les exemples ne manquent pas à ce chapitre. On notera que lorsque leurs problèmes de consommation les ont amenés à subir une défaite électorale en 1985, MM. Gilles Baril et Jean-François Bertrand s’étaient tous deux recyclés dans l’industrie médiatique, le premier à la radio CKVL et le deuxième à la radio CHRC, puis à CJRP.
Force est de constater que les médias raffolent de tous ces ex-politiciens. On se les arrache même. Pour prendre un exemple parmi tant d’autres, on compte désormais trois anciens ministres parmi les chroniqueurs politiques du Journal de Montréal : Lise Payette, ex-ministre sous René Lévesque, Yves Séguin, ex-ministre sous Jean Charest et Sheila Copps, ex-ministre sous Jean Chrétien. Bien entendu, embaucher d’anciens élus est aussi une autre façon d’apprendre d’autres ragots sur les mœurs dissolues de la classe politique.
C’est bien beau tout ça, mais que faisaient les plus hautes autorités du gouvernement pendant que des rumeurs aussi dommageables circulaient de la sorte sur M. Boisclair ?
Selon La Presse, au cours de l’année 1997, M. Boisclair, alors ministre au sein du gouvernement de M. Lucien Bouchard, s’était fait taper sur les doigts à deux reprises par deux employés du bureau du premier ministre en raison des rumeurs qui circulaient déjà sur sa conduite. D’abord par M. Pierre Boileau, puis par le directeur de cabinet de M. Bouchard, Me Hubert Thibault. (9)
Me Thibault aurait alors recommandé à M. Boisclair de faire preuve de prudence. Toujours selon La Presse, le jeune ministre « fréquentait alors un bar à la mode du boulevard Saint-Laurent reconnu pour fermer les yeux sur la consommation de cocaïne. »
Une question vient naturellement à l’esprit : mais que faisait donc la police pendant que M. Boisclair s’amusait à s’en mettre plein les narines ? La Sûreté du Québec, qui doit enquêter sur le passé de tout futur membre du Conseil des Ministres afin de veiller à « l’intégrité des institutions étatiques », a-t-elle bâclée son enquête ? Et si elle a trouvé « quelque chose », qu’est-il arrivé avec ?
Et que dire du garde du corps fourni par le gouvernement qui était attitré à la protection du ministre Boisclair ? Montait-il la garde devant les bécosses de ce « bar à la mode » lorsque l’envie prenait à M. Boisclair d’aller se faire un autre track à l’abri des regards indiscrets ?
Mais pour cela, il aurait fallu que le gorille du gouvernement ne perde pas la trace de son ministre, ce qui, selon La Presse, était loin d’être gagné d’avance à l’époque où M. Boisclair n’en avait pas encore fini avec ses fameuses « frasques de jeunesse ». « M. Boisclair », lit-on, « était à l’époque le cauchemar des gardes du corps du gouvernement, parvenant souvent à se défiler, à échapper à leur surveillance pour des escapades de fin de semaine. »
Or, les gardes du corps sont là pour protéger les ministres, et non pas pour les fliquer. Pour cette raison, il y a lieu de présumer que ce qui est partagé entre un garde du corps du gouvernement et un ministre reste entre le garde du corps et le ministre.
Enfin, comment expliquer le silence persistant des anciens premier ministres issus du Parti Québécois qui étaient en exercice au moment où M. Boisclair était membre du gouvernement ? MM. Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry n’ont-ils rien à dire ? Pourtant, c’est aussi leur jugement qui est indirectement mis en cause avec l’affaire Boisclair.
Bien entendu, il y aura toujours des affaires louches que le gouvernement n’arrivera pas à cacher et à étouffer. L’affaire Doray fut l’une de celles-là.
(suivant)
Sources :
(5) La Presse, « Boisclair perd patience », par Tommy Chouinard, 21 septembre 2005.
(6) La Presse, « Tirer une ligne », par Vincent Marissal, 19 septembre 2005.
(7) Journal de Montréal, « Affaire Boisclair—Digne de la commission Gomery », par Yves Chartrand, 24 septembre 2005.
(8) The Suburban, « Why Boisclair must resign from PQ race », by Jim Duff, September 21 2005.
(9) La Presse, « Boisclair embarrassé », par Denis Lessard et Nicolas Saint-Pierre, 17 septembre 2005.
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Boisclair, coké ?
La rumeur circulait dans les milieux politiques et médiatiques. Et ce, depuis un bon petit bout de temps, paraît-il. Le public est, semble-t-il, le dernier à en avoir été informé…
Pas étonnant que, lorsque la rumeur est devenue affaire publique, M. Boisclair ne savait même plus où donner de la tête pour essayer de pointer du doigt les mauvaises langues qui seraient à l’origine de la fuite.
Il y avait tellement de personnes qui étaient au courant et qui auraient donc pu être à l’origine de la fuite, que M. Boisclair se mit à tirer dans toutes les directions lorsque les médias essayèrent de l’interroger. Il laissa ainsi entendre que le bureau du Premier ministre Jean Charest et des concurrents dans la course au leadership « soucieux de leur situation dans les sondages » étaient derrière les fuites concernant ses « frasques de jeunesse ».
Différentes sources confirment aujourd’hui qu’il s’agissait-là d’un secret de polichinelle.
Il y a le député péquiste François Gendron qui affirma sans détour : « La plupart des collègues étaient au courant qu’il y avait des rumeurs à cet effet. J’étais au courant des rumeurs. Cela a circulé pendant longtemps ». (5) Le chroniqueur Vincent Marissal de La Presse fait le même constat lorsqu’il écrit : « Les rumeurs sur la vie olé olé de M. Boisclair courent depuis des années et ce n’était qu’une question de temps avant que la question ne surgisse ». (6)
Pourtant, au Parti Québécois plusieurs personnalités nièrent en cœur avoir été au courant que M. Boisclair avait fait l’objet de telles rumeurs. C’est ce qu’a prétendu M. Rosaire Bertrand, ancien ministre délégué et aujourd’hui un des principaux organisateurs de la campagne de M. Boisclair. Mme Louise Harel a affirmé quant à elle avoir appris ça « en même temps que tout le monde », alors que Mme Pauline Marois affirmait qu’elle n’en avait « jamais eu connaissance ».
Le journaliste Yves Chartrand, du Journal de Montréal, n’y vit toutefois que de la poudre aux yeux. Dans son article, paru le 24 septembre, M. Chartrand est allé jusqu’à écrire que les « trous de mémoire » des anciens ministres péquistes étaient « dignes de la commission Gomery » ! «Après les Lafleur, Corriveau et cie, c’est maintenant au tour des anciens ministres péquistes de voir leur mémoire défaillir au point de ne plus se souvenir des rumeurs persistantes qui circulaient à l’époque sur la consommation de cocaïne par leur collègue André Boisclair.» , écrit M. Chartrand. (7)
Pour lui, il ne semble exister aucun doute que les ténors du PQ ne disent pas la vérité, voire qu’ils mentent. On conviendra qu’il ne semble pas être dans les habitudes des journalistes des grands médias de lancer de telles accusations à la légère, contre de tels poids lourds de la politique québécoise. Mais comment M. Chartrand peut-il être si convaincu que les Harel et compagnie parlent au travers de leur chapeau, sans avoir été lui-même dans le « secret des Dieux » ?
Et il n’était sûrement pas le seul. M. Jim Duff, chroniqueur à l’hebdomadaire anglophone montréalais The Suburban, soutient que les politiciens péquistes adorent partager leurs petits secrets avec les médias. Selon M. Duff, ceux-ci n’auraient aucune hésitation à laver leur linge sale en compagnie des journalistes en raison d’un « Mur de Berlin » qui s’érige entre la vie publique et la vie privée des politiciens. Autrement dit, ce qui est partagé entre politiciens et journalistes reste entre politiciens et journalistes.
Et de l’avis de M. Duff, s’il fallait que ce « Mur de Berlin » soit abattu, il pourrait y en avoir long à dire. [TRADUCTION] « Quiconque a couvert la politique québécoise suffisamment longtemps pourrait écrire un scénario sordide de télé-réalité rempli de faillites, de mariages effondrés, d’infidélités, d’usage de drogue, d’abus d’alcool, de pédophilie et d’autres comportements à haut risque » , écrit-il. (8)
Voilà autant de potins juteux dont le grand public ne risque pas d’entendre parler. Faut-il y voir là une autre preuve de la connivence qui existe entre les milieux politiques et médiatiques ? Les exemples ne manquent pas à ce chapitre. On notera que lorsque leurs problèmes de consommation les ont amenés à subir une défaite électorale en 1985, MM. Gilles Baril et Jean-François Bertrand s’étaient tous deux recyclés dans l’industrie médiatique, le premier à la radio CKVL et le deuxième à la radio CHRC, puis à CJRP.
Force est de constater que les médias raffolent de tous ces ex-politiciens. On se les arrache même. Pour prendre un exemple parmi tant d’autres, on compte désormais trois anciens ministres parmi les chroniqueurs politiques du Journal de Montréal : Lise Payette, ex-ministre sous René Lévesque, Yves Séguin, ex-ministre sous Jean Charest et Sheila Copps, ex-ministre sous Jean Chrétien. Bien entendu, embaucher d’anciens élus est aussi une autre façon d’apprendre d’autres ragots sur les mœurs dissolues de la classe politique.
C’est bien beau tout ça, mais que faisaient les plus hautes autorités du gouvernement pendant que des rumeurs aussi dommageables circulaient de la sorte sur M. Boisclair ?
Selon La Presse, au cours de l’année 1997, M. Boisclair, alors ministre au sein du gouvernement de M. Lucien Bouchard, s’était fait taper sur les doigts à deux reprises par deux employés du bureau du premier ministre en raison des rumeurs qui circulaient déjà sur sa conduite. D’abord par M. Pierre Boileau, puis par le directeur de cabinet de M. Bouchard, Me Hubert Thibault. (9)
Me Thibault aurait alors recommandé à M. Boisclair de faire preuve de prudence. Toujours selon La Presse, le jeune ministre « fréquentait alors un bar à la mode du boulevard Saint-Laurent reconnu pour fermer les yeux sur la consommation de cocaïne. »
Une question vient naturellement à l’esprit : mais que faisait donc la police pendant que M. Boisclair s’amusait à s’en mettre plein les narines ? La Sûreté du Québec, qui doit enquêter sur le passé de tout futur membre du Conseil des Ministres afin de veiller à « l’intégrité des institutions étatiques », a-t-elle bâclée son enquête ? Et si elle a trouvé « quelque chose », qu’est-il arrivé avec ?
Et que dire du garde du corps fourni par le gouvernement qui était attitré à la protection du ministre Boisclair ? Montait-il la garde devant les bécosses de ce « bar à la mode » lorsque l’envie prenait à M. Boisclair d’aller se faire un autre track à l’abri des regards indiscrets ?
Mais pour cela, il aurait fallu que le gorille du gouvernement ne perde pas la trace de son ministre, ce qui, selon La Presse, était loin d’être gagné d’avance à l’époque où M. Boisclair n’en avait pas encore fini avec ses fameuses « frasques de jeunesse ». « M. Boisclair », lit-on, « était à l’époque le cauchemar des gardes du corps du gouvernement, parvenant souvent à se défiler, à échapper à leur surveillance pour des escapades de fin de semaine. »
Or, les gardes du corps sont là pour protéger les ministres, et non pas pour les fliquer. Pour cette raison, il y a lieu de présumer que ce qui est partagé entre un garde du corps du gouvernement et un ministre reste entre le garde du corps et le ministre.
Enfin, comment expliquer le silence persistant des anciens premier ministres issus du Parti Québécois qui étaient en exercice au moment où M. Boisclair était membre du gouvernement ? MM. Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry n’ont-ils rien à dire ? Pourtant, c’est aussi leur jugement qui est indirectement mis en cause avec l’affaire Boisclair.
Bien entendu, il y aura toujours des affaires louches que le gouvernement n’arrivera pas à cacher et à étouffer. L’affaire Doray fut l’une de celles-là.
(suivant)
Sources :
(5) La Presse, « Boisclair perd patience », par Tommy Chouinard, 21 septembre 2005.
(6) La Presse, « Tirer une ligne », par Vincent Marissal, 19 septembre 2005.
(7) Journal de Montréal, « Affaire Boisclair—Digne de la commission Gomery », par Yves Chartrand, 24 septembre 2005.
(8) The Suburban, « Why Boisclair must resign from PQ race », by Jim Duff, September 21 2005.
(9) La Presse, « Boisclair embarrassé », par Denis Lessard et Nicolas Saint-Pierre, 17 septembre 2005.