Drogue et politique en Colombie-Britannique : Laffaire David Basi
«Le plus gros scandale politique au Canada pourrait ne pas se trouver au Québec, où l’enquête Gomery expose une histoire de détournement de fonds de mauvais goût, mais en Colombie-Britannique, où un pouvoir judiciaire conservateur étouffe les informations concernant des allégations de commerce de drogue, de blanchiment d’argent et de trafic d’influence. » (1)
-Mark Hume, commentateur politique au Globe and Mail
La scène se déroule le matin du dimanche 28 décembre 2003, à Victoria. Deux dizaines de policiers pénètrent à l’intérieur du parlement de Colombie-Britannique avec deux mandats de perquisition en poche. Les policiers ressortent quelques heures plus tard en emportant avec eux une trentaine de boîtes de documents provenant des bureaux du ministre des Finances et du ministre des Transports du gouvernement libéral de Gordon Campbell.
Ces perquisitions à l’assemblée législative de Colombie-Britannique, une première en 130 ans d’histoire, eurent un impact digne d’un séisme politique dans l’Ouest canadien. Et pour cause : les portes-parole de la police ont affirmé que cette descente policière survenait dans la foulée d’une enquête sur le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et la corruption policière. Rien de moins !
D’ailleurs, les policiers ne se sont pas arrêtés au parlement. Ils ont également exécuté des mandats de perquisitions chez d’éminents organisateurs libéraux, dont deux étaient membres de l’exécutif du Parti libéral du Canada (PLC), section de Colombie-Britannique. Tous les individus qui reçurent la visite de la police ont tous comme point en commun d’avoir occupé des postes clés lors de la campagne de M. Paul Martin Jr pour la chefferie du PLC.
Pendant qu’au Canada anglais, des commentateurs politiques chevronnés, et même des militants libéraux vétérans, se demandaient si l’argent sale du narco-trafic avait servi à financer une partie de la campagne de M. Martin à la chefferie du PLC, la presse québécoise francophone fit preuve d’un étonnant mutisme. En effet, les articles publiés sur cette affaire dans les trois quotidiens francophones montréalais durant les semaines qui suivirent les perquisitions au parlement se comptent sur les doigts d’une main.
Heureusement, le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES est là pour combler cette impardonnable lacune.
Deux ans plus tard, où est rendue cette affaire ? Voici quelques faits saillants :
• Un influent organisateur politique libéral visé par les perquisitions fut inculpé de possession et de production de marijuana en vue d’en faire le trafic, avant d’être mystérieusement blanchi quelques mois plus tard ;
• Un policier de Victoria lié à l’affaire fait face à des accusations d’entrave à l’administration de la justice ;
• Trois organisateurs libéraux font face à des accusations criminelles de fraude et de trafic d’influence dans le cadre du dossier BC Rail ;
• Sur le plan politique, le gouvernement de M. Campbell perdit deux de ses plus importants ministres, dont les noms ont tous deux été associés à l’affaire, qui offrirent leur démission dans des circonstances questionnables ;
• Même si l’affaire met en cause les agissements d’organisateurs libéraux de Colombie-Britannique lors de la campagne au leadership de Paul Martin, ce dernier n’a jamais été sérieusement incommodé par toute cette histoire. L’affaire ne figurait même pas parmi les enjeux politiques lors des élections fédérales qui suivirent, six mois après les perquisitions, à l’issue desquelles M. Martin fut réélu à la tête d’un gouvernement minoritaire ;
• En dépit du fait que cette histoire causa un tort politique incalculable au gouvernement Campbell, l’affaire fit elle aussi figure d’absente lors de la récente campagne électorale de mai 2005 au terme de laquelle les libéraux de Colombie-Britannique ont été reportés au pouvoir avec une majorité affaiblie ;
Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi un scandale au potentiel si explosif a rapidement souffert d’un grand manque d’attention.
Et cette fois-ci, ce n’est pas de la faute des médias. Pas ceux de Colombie-Britannique en tout cas, qui mirent tout en œuvre pour essayer d’aller au fond de l’affaire. En effet, depuis deux ans, les avocats des principaux médias de masse de C.-B. font des demandes répétées à la Cour suprême de C.-B. afin que celle-ci rende publique les motifs policiers qui incitèrent un juge à autoriser une perquisition à l’intérieur des murs de l’assemblée législative.
Et jusqu’à présent, les brides d’informations que le tribunal a accepté de divulguer, ici et là, ne font que confirmer les pires craintes. Mais l’épais secret judiciaire qui continue d’entourer cette affaire laisse place à de nombreuses questions qui sont toujours sans réponse. Veut, veut pas, face au faible débit d’informations divulguées par les autorités judiciaires, les médias finissent immanquablement par passer à d’autres choses.
De plus, il faut reconnaître que l’affaire n’est pas facile à suivre. La perquisition au parlement de C.-B. était reliée, non pas à une, mais bien à deux enquêtes policières majeures. La première concerne un réseau de trafic de drogue et la deuxième, une combine de trafic d’influence. Ces deux enquêtes mettent en vedette les mêmes suspects, et le fait que ceux-ci soient autant actifs sur la scène politique fédérale que provinciale n’aide pas à démêler les choses.
Cette difficulté à bien cerner la nature du scandale est incarnée par le fait que les commentateurs politiques n’ont jamais réussi à s’entendre sur le nom à donner à l’affaire. Certains l’ont appelé le “legi-gate”, d’autres préfèrent parler du “reefer-gate” tandis que d’autres emploient le terme “Basi-gate”. Et pourtant, ces gens parlent tous de la même affaire !
Comment va-t-on pouvoir se rappeler de ce scandale dans l’histoire canadienne si on ne sait même pas comment l’appeler ?
On sait aujourd’hui que les policiers qui ont pris part à la descente au parlement étaient à la recherche d’informations relativement à une enquête sur une affaire de trafic d’influence dans le dossier de la privatisation, fort controversée, de la société de chemin de fer B.C. Rail. (Le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES prépare d’ailleurs un dossier complet concernant spécifiquement cette affaire.)
Question de simplifier les choses, le B.A.L. entend ici se concentrer exclusivement sur l’enquête de la division des stupéfiants portant sur des allégations de narco-trafic et de blanchiment d’argent visant certains organisateurs libéraux fédéraux.
PROJET Everywhichway : De la corruption policière jusqu’à la corruption politique
Sources
-Mark Hume, commentateur politique au Globe and Mail
La scène se déroule le matin du dimanche 28 décembre 2003, à Victoria. Deux dizaines de policiers pénètrent à l’intérieur du parlement de Colombie-Britannique avec deux mandats de perquisition en poche. Les policiers ressortent quelques heures plus tard en emportant avec eux une trentaine de boîtes de documents provenant des bureaux du ministre des Finances et du ministre des Transports du gouvernement libéral de Gordon Campbell.
Ces perquisitions à l’assemblée législative de Colombie-Britannique, une première en 130 ans d’histoire, eurent un impact digne d’un séisme politique dans l’Ouest canadien. Et pour cause : les portes-parole de la police ont affirmé que cette descente policière survenait dans la foulée d’une enquête sur le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et la corruption policière. Rien de moins !
D’ailleurs, les policiers ne se sont pas arrêtés au parlement. Ils ont également exécuté des mandats de perquisitions chez d’éminents organisateurs libéraux, dont deux étaient membres de l’exécutif du Parti libéral du Canada (PLC), section de Colombie-Britannique. Tous les individus qui reçurent la visite de la police ont tous comme point en commun d’avoir occupé des postes clés lors de la campagne de M. Paul Martin Jr pour la chefferie du PLC.
Pendant qu’au Canada anglais, des commentateurs politiques chevronnés, et même des militants libéraux vétérans, se demandaient si l’argent sale du narco-trafic avait servi à financer une partie de la campagne de M. Martin à la chefferie du PLC, la presse québécoise francophone fit preuve d’un étonnant mutisme. En effet, les articles publiés sur cette affaire dans les trois quotidiens francophones montréalais durant les semaines qui suivirent les perquisitions au parlement se comptent sur les doigts d’une main.
Heureusement, le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES est là pour combler cette impardonnable lacune.
Deux ans plus tard, où est rendue cette affaire ? Voici quelques faits saillants :
• Un influent organisateur politique libéral visé par les perquisitions fut inculpé de possession et de production de marijuana en vue d’en faire le trafic, avant d’être mystérieusement blanchi quelques mois plus tard ;
• Un policier de Victoria lié à l’affaire fait face à des accusations d’entrave à l’administration de la justice ;
• Trois organisateurs libéraux font face à des accusations criminelles de fraude et de trafic d’influence dans le cadre du dossier BC Rail ;
• Sur le plan politique, le gouvernement de M. Campbell perdit deux de ses plus importants ministres, dont les noms ont tous deux été associés à l’affaire, qui offrirent leur démission dans des circonstances questionnables ;
• Même si l’affaire met en cause les agissements d’organisateurs libéraux de Colombie-Britannique lors de la campagne au leadership de Paul Martin, ce dernier n’a jamais été sérieusement incommodé par toute cette histoire. L’affaire ne figurait même pas parmi les enjeux politiques lors des élections fédérales qui suivirent, six mois après les perquisitions, à l’issue desquelles M. Martin fut réélu à la tête d’un gouvernement minoritaire ;
• En dépit du fait que cette histoire causa un tort politique incalculable au gouvernement Campbell, l’affaire fit elle aussi figure d’absente lors de la récente campagne électorale de mai 2005 au terme de laquelle les libéraux de Colombie-Britannique ont été reportés au pouvoir avec une majorité affaiblie ;
Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi un scandale au potentiel si explosif a rapidement souffert d’un grand manque d’attention.
Et cette fois-ci, ce n’est pas de la faute des médias. Pas ceux de Colombie-Britannique en tout cas, qui mirent tout en œuvre pour essayer d’aller au fond de l’affaire. En effet, depuis deux ans, les avocats des principaux médias de masse de C.-B. font des demandes répétées à la Cour suprême de C.-B. afin que celle-ci rende publique les motifs policiers qui incitèrent un juge à autoriser une perquisition à l’intérieur des murs de l’assemblée législative.
Et jusqu’à présent, les brides d’informations que le tribunal a accepté de divulguer, ici et là, ne font que confirmer les pires craintes. Mais l’épais secret judiciaire qui continue d’entourer cette affaire laisse place à de nombreuses questions qui sont toujours sans réponse. Veut, veut pas, face au faible débit d’informations divulguées par les autorités judiciaires, les médias finissent immanquablement par passer à d’autres choses.
De plus, il faut reconnaître que l’affaire n’est pas facile à suivre. La perquisition au parlement de C.-B. était reliée, non pas à une, mais bien à deux enquêtes policières majeures. La première concerne un réseau de trafic de drogue et la deuxième, une combine de trafic d’influence. Ces deux enquêtes mettent en vedette les mêmes suspects, et le fait que ceux-ci soient autant actifs sur la scène politique fédérale que provinciale n’aide pas à démêler les choses.
Cette difficulté à bien cerner la nature du scandale est incarnée par le fait que les commentateurs politiques n’ont jamais réussi à s’entendre sur le nom à donner à l’affaire. Certains l’ont appelé le “legi-gate”, d’autres préfèrent parler du “reefer-gate” tandis que d’autres emploient le terme “Basi-gate”. Et pourtant, ces gens parlent tous de la même affaire !
Comment va-t-on pouvoir se rappeler de ce scandale dans l’histoire canadienne si on ne sait même pas comment l’appeler ?
On sait aujourd’hui que les policiers qui ont pris part à la descente au parlement étaient à la recherche d’informations relativement à une enquête sur une affaire de trafic d’influence dans le dossier de la privatisation, fort controversée, de la société de chemin de fer B.C. Rail. (Le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES prépare d’ailleurs un dossier complet concernant spécifiquement cette affaire.)
Question de simplifier les choses, le B.A.L. entend ici se concentrer exclusivement sur l’enquête de la division des stupéfiants portant sur des allégations de narco-trafic et de blanchiment d’argent visant certains organisateurs libéraux fédéraux.
PROJET Everywhichway : De la corruption policière jusqu’à la corruption politique
Sources